Publié le 29 juin 2020
La 31ème édition du festival des arts de la rue « Viva-Cité » aurait dû avoir lieu à Sotteville ce week-end (du 26 au 28 juin 2020), mais il a été annulé (comme tous les autres festivals) en raison de l’épidémie de Covid-19.
C’est l’occasion de marquer cette date en revenant sur les origines de l’un des plus gros festivals des arts de la rue d’Europe, qui s’est construit petit à petit :
La fête, dès le 19ème siècle
Déjà, à la fin du 19ème siècle, Sotteville a développé une vie culturelle importante autour du spectacle et de la fête place Voltaire ou au moment de Pâques et du 14 juillet. Mais, traumatisés par les bombardements de la seconde guerre mondiale et plutôt la tête à la Reconstruction les 25 années suivantes, les sottevillais avaient perdu le sens de la fête. Depuis les années 70 où tout est rentré dans l’ordre, ils étaient en manque du bouillonnement culturel d’avant-guerre. Il était vraiment temps de s’y remettre !
La Maison Pour Tous
Pour parler de la genèse du festival « Viva-Cité », il faut commencer par parler de la Maison Pour Tous et de ses débuts, puisque c’est de là que tout est parti :
En septembre 1968, l’association « Loisir Jeunesse » s’installe dans les locaux de l’ancienne école libre de garçon Bayard, rue Sergent Major Tiremberg, cédés à la Ville de Sotteville par le diocèse de Rouen.
Au début des années 1970, une exposition subventionnée par la municipalité fait scandale. Les adhérents du PSU (menés par Pierre Bourguignon) manifestent leur soutien au directeur de l’époque.
Des adhérents de Loisirs Jeunesse, dont Pierre Pane, se mobilisent aussi.
De ce fait, Roland Tafforeau, maire, sur les conseils avisés de son premier adjoint Jean Adret, facilite l’installation en 1974 d’une nouvelle association intitulée « Maison des Jeunes et de la Culture » (MJC).
Le président en est Pierre Bourguignon, la trésorière Nicole Quindry et le secrétaire Pierre Pane. On peut dire que ces trois personnes sont les cofondatrices de ce qui deviendra la « Maison Pour Tous » (MPT) en 1978.
Pierre Bourguignon restera 7 ans président de 1974 à 1981. Pierre Pane lui succédera comme président de 1981 à 2015 (soit près de 34 ans). En 1977, Luce Pane devient membre du bureau du conseil d’administration et Daniel Andrieu devient directeur (et le restera jusqu’en à 1989).
Suite à l’élection de Pierre Bourguignon comme Maire en 1989, Daniel Andrieu devient Directeur des affaires culturelles de la ville (jusqu’à fin 2001) et plusieurs membres de la Maison Pour Tous sont devenus adjoints au maire : Nicole Quindry (première adjointe chargée des finances), Luce Pane, Jean Paul Cressy et d’autres.
Ceci montre clairement le poids de l’association Maison Pour Tous dans le devenir politique et culturel de la ville.
Monsieur Jean Adret restera membre d’honneur de la Maison Pour Tous jusqu’à son décès.
La « Fête des associations »
De 1981 à 1984 se déroule la « Fête des associations » dans l’allée centrale du bois de la Garenne, à l’initiative de la Maison Pour Tous. 60 associations sont présentes et en parallèle, des spectacles musicaux et théâtraux viennent compléter l’animation.
En 1984 la très mauvaise météo et surtout l’hostilité de René Salmon, nouveau maire, envers ce genre de rassemblement festif, marque la dernière édition.
Il est à noter qu’au sein de cette fête a été organisé un forum intitulé « L’association comme phénomène de la cité ». On pourrait prendre cela comme une anecdote, mais il révèle deux éléments importants : la volonté d’ancrer les associations dans la vie de la ville, et le terme « cité » qui est déjà employé à cette époque, alors que « Viva-Cité » ne prendra naissance qu’en 1991.
C’est ainsi que, malgré la fin brutale de cette fête populaire, l’idée originelle ne quittera pas l’esprit de l’équipe de la Maison Pour Tous…
Le bus double, point central de la Fête des Associations et le bar autour
L’événement du mardi
Dés 1985, Olivier Desjardin (qui deviendra chef du service logistique de la mairie en 1990) et Franck Feret (qui deviendra directeur du Centre d’initiative des associations sottevillaises, rue Jean, puis le premier directeur du Trianon Transatlantique) rejoignent Daniel Andrieu. C’est ensemble qu’ils créent le groupe de travail « Evénement du mardi ». Ils se réunissent chaque semaine à la Maison Pour Tous pour réfléchir et travailler à la création d’une manifestation d’ampleur, populaire et fédératrice.
C’est donc ce trio Daniel Andrieu, Olivier Desjardin et Franck Feret qui est fondateur de ce qui deviendra Viva-Cité.
Une nouvelle équipe municipale
L’arrivée en mars 1989 d’une nouvelle équipe municipale avec à sa tête Pierre Bourguignon et dont, comme nous l’avons vu, les élus font pour beaucoup aussi partie du conseil d’administration de la Maison Pour Tous, favorise la préparation d’un événement festif qui rassemble les associations, des artistes amateurs, des plasticiens, des groupes de théâtre de rue, des musiciens…
Le Bicentenaire de la Révolution en 1989
De la conjonction de ces années de réflexion, de l’arrivée de Pierre Bourguignon et de l’année du bicentenaire de la Révolution française, naquit la première concrétisation.
Ces fêtes se déroulèment en deux fois :
• La fête du 24 juin :
Elle a lieu place de l’hôtel de ville, à l’emplacement de la station du métro (qui n’existait pas encore). Parmi les spectacles, fresques, bal, son et lumière…, la scène du bonnet phrygien coiffant le massif de bouleaux devant la mairie, amené par les enfants des écoles, est des plus mémorables :
Le 23 septembre donc, cette loco arrive à Sotteville sur la place de l’Hôtel de Ville (en face des bars). Des manifestations orchestrales et vocales viennent parfaire la fête.
Par la suite, la locomotive a été utilisée à plusieurs reprises par des compagnies de Viva-Cité.
1990 : « Gare à la Fête »
Le renouveau culturel et festif était lancé, si bien qu’en juin 1990 a lieu la première édition du festival de Sotteville qui s’appelle alors « Gare à la fête ». C’est dans l’ancienne friche industrielle du dépôt des tramways de Rouen rue de Trianon qu’il a lieu. La manifestation a accueilli 20000 spectateurs.
1991 : « Viva-Cité »
En juin 1991, suite au succès populaire de la première édition l’année précédente, le festival de Sotteville prend le nom de Viva-Cité et déménage pour s’installer dans le Bois de la Garenne. Daniel Andrieu en est toujours le directeur (et le restera jusqu’en 2015).
En 1994 : La Ville devient gestionnaire du festival (jusqu’alors organisé par la Maison Pour Tous). Il s’étend en dehors du Bois de la Garenne vers le centre-ville. Le « off » est créé. Le festival est reconnu par le ministère de la culture et lui permet un financement pérenne.
Puis le festival n’a eu de cesse d’innover et de rechercher les interactions entre les associations, les citoyens et les artistes.
Les pionniers…
Les quatre premières éditions ont été très réduites en personnel, pilotée par une forme de co-direction entre Daniel Andrieu et Franck Feret. Au niveau technique Olivier Desjardin oeuvre, accompagné du contremaitre de la Ville Michel Verdier, jusqu’à son départ en retraite en 1997, un homme pilier qui s’est dépensé sans compter pour le festival. Eric Auger, responsable du pôle électricité dés le début, a pris le relais de Michel Verdier en 1998 comme coordonnateur des services techniques municipaux.
Dés le début, Pascal Pesquet, responsable aux espaces verts de la Ville, a joué un rôle prépondérant dans la réalisation d’un certain nombre de projets artistiques. Il assistait Michel Verdier.
Pierre Pane, Monsieur Loyal pendant les premières éditions était responsable de l’espace enfants.
Au niveau artistique, le plasticien Fabrice Deperrois esquisse et imagine de nombreuses idées autour de la scénographie. Le comédien/musicien Pierre Gaudin, de la compagnie Mélodie Théâtre crée de nombreuses formes théâtrales avec la complicité de la metteuse en scène Catherine Rafaéli.
Voici donc l’équipe des quatre premières éditions du festival, organisées et gérées de façon associative et reposant sur seulement quelques personnes. La Ville à cette époque gérait le personnel, sauf les personnes dépendant des associations ou les bénévoles.
Daniel Andrieu témoigne d’ailleurs : « Les premières éditions du festival, nous avions une certaine inconscience, la puissance, l’énergie, l’autodétermination de la jeunesse, sans aucun doute. Personnellement, dés le mois de mai, je me préparais psychologiquement car j’anticipais la réalité très éprouvante de l’évènement. À la fin nous ressortions éreintés. »
À partir de 1994, la Ville est devenue gestionnaire de Viva-Cité, avec une conséquence positive sur l’amélioration des conditions de travail. L’équipe s’est progressivement étoffée ce qui devint plus confortable.
L’Atelier 231, Centre National des Arts de la Rue
Jusqu’en 1996, le festival se prépare dans la friche du dépôt des tramways de Rouen (là où a eu lieu « Gare à la Fête »), mais la démolition étant annoncée, Daniel Andrieu et ses compagnons ont dû chercher un autre lieu.
En friche depuis 1978, l’ancienne « Chaudronnerie de fer » (bâtiment SNCF des Établissements Buddicom construit en 1878 et épargnés par les bombardements alliés de 1944) est rachetée par la Ville de Sotteville-les-Rouen en 1997 dans le but de constituer cette base arrière au festival Viva-Cité. Ces bâtiments comportent 3 halles. La travée principale, que nous appelons maintenant la « Grande Halle », fait 75 mètres de long, 18 mètres de large et 9 mètres de haut. Le nom d’«Atelier 231» est donné en hommage au modèle de locomotive jadis réparé dans ces lieux.
C’est aussi, à l’année, un espace de création, de répétition, de résidence des compagnies de théâtre de rue et un lieu d’accueil du public.
2015 : Changement de Direction
Anne Le Goff a fait ses premiers pas sur Viva-Cité comme stagiaire en juin 1999, puis elle rejoint l’équipe d’accueil des professionnels du spectacle, travaillant plus particulièrement sur l’accueil des professionnels étrangers. En effet, Anne parle couramment l’anglais. C’est sur ces compétences reconnues qu’elle est engagée à l’Atelier 231 en 2003 comme responsable des projets culturels européens. Elle en prend la direction en 2015, succédant ainsi à Daniel Andrieu, fondateur de l’Atelier 231, auprès duquel elle a travaillé.
Daniel Andrieu, directeur du Centre National des Arts de la Rue et directeur artistique du festival Viva-Cité depuis 1989, a fêté son départ à la retraite avec tous les acteurs du festival, en présence de Luce Pane (devenue maire en 2014) et de nombreuses personnalités du spectacle. Il a été fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.
Daniel Andrieu honoré lors du « Coup d’envoi » de sa dernière édition du festival en 2015, avec la compagnie « Les Grooms »
Ce rendez-vous annuel populaire ne doit pas faire oublier le travail en coulisse : les élus, les organisateurs et les artistes travaillent tout au long de l’année pour construire l’édition suivante, en association avec les citoyens, institutions et associations.
C’est cette intense collaboration qui fait la force du festival depuis 30 ans !
Merci d’avoir marqué l’événement qui est passé inaperçu. Comme si cela ne comptait pas dans la vie sottevillaise.
Merci Laurent pour cette rétrospective particulièrement bien documentée.
Oui vous avez raison Monsieur Duboc, Viva Cité ce n’est pas rien. Il aurait fallu quelques paroles quelques mots.
Je sais par ailleurs que beaucoup ont eu un serrement de coeur au moment du coup d’envoi de cette 31 édition.
Je pense a toutes les personnes qui ont travaillé, car l’édition 31 était prête. Je salue le courage de la directrice Anne Legoff dans cette tourment.
Il n’y a que Laurent qui nous dit des choses, très bonne synthèse et ce n’était sans doute pas facile.