L’hippodrome des Bruyères, et sa reconversion

Haut lieu du sport hippique en France, l’hippodrome des Bruyères s’est imposé comme le plus important champ de courses de l’agglomération rouennaise, aujourd’hui reconverti en parc naturel urbain


À Rouen, les premières courses hippiques ont eu lieu en 1844 sur le Cour la Reine, en bord de Seine, rive gauche, à l’instigation de la Société d’Agriculture.
Mais un vrai hippodrome devenait nécessaire…

C’est ainsi que le 23 mai 1861, l’hippodrome des Bruyères ouvre pour accueillir sa première course. Il se situe à cheval sur les communes de Sotteville-lès-Rouen et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Mais il s’est d’abord appelé « Ancien champ de manœuvres de la cavalerie », puisque ce terrain était militaire depuis 1857.
En réalité, ces deux usages ont dû cohabiter pendant cinq ans, jusqu’en 1866. Les courses prenant de l’importance, les entrainements militaires ont dû déménager à cette date sur le terrain de l’actuel parc expo et Zénith.

Des tribunes en bois ont été installées pour accueillir les parieurs, complétées au début du XXème par des gradins en béton.

Carte postale ancienne de l'entrée du Champ de Courses à Sotteville-lès-Rouen

▲ L’entrée du Champ de Courses, la même que l’actuelle entrée « Parvis Diochon ». On aperçoit les tribunes au fond.

Grâce à la visite de Napoléon III en 1864, puis à la compétition d’élite, le « Derby des trotteurs », de 1874 à 1926, l’hippodrome des Bruyères devient l’un des plus réputés de France.

En août 1914, le champ de courses est réquisitionné par l’armée britannique dans le but d’installer un camp médical pour ses soldats britanniques et australiens. Aux simples tentes des débuts succèdent des baraquements plus durables.

Le camp médical anglais en 1914, hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ Le camp médical anglais en 1914, installé à l’intérieur des pistes

À l’été 1917, suite à l’entrée en guerre des États-Unis, le camp hospitalier des Bruyères accueille le personnel et l’équipement médical américain « Base Unit 21 ».

hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen - Camp médical pendant la guerre

▲ Vue sur le « Base Hospital 21 » depuis les tribunes de l’hippodrome

Tout au long de la Première Guerre mondiale, ce sont des centaines d’hommes blessés ou malades qui arrivent. 155000 patients ont été soignés ici.
À la fin de la guerre, en 1918, les baraquements sont démontés et vendus au Génie Français pour héberger les sinistrés.

Les activités hippiques reprennent en octobre 1920 après la remise en état des pistes aux frais des autorités britanniques.

hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ La foule des grandes courses, dans les années 30

Comme en 1914, l’hippodrome des Bruyères est de nouveau occupé dès l’automne 1939 par le corps expéditionnaire britannique : un camp médical de baraques en tôles demi-cylindriques est installé.
Mais il est réquisitionné par les Allemands en 1940 pour y détenir leurs prisonniers de guerre.
Après la libération, le 31 août 1944, c’est l’armée américaine qui utilise, à son tour, le camp du Champ de Courses pour héberger une partie de ses troupes.

Vue aérienne du champ de courses des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen - Camp médical pendant la guerre

▲ Le camp allemand, le 18 août 1944, quelques jours avant la libération. On distingue en bas de la photo, la lignée de tribunes, dont une courbe dans le virage.

Pendant les deux Guerres Mondiales, les soldats anglais, australiens et canadiens décédés sont enterrés au plus près. C’est ainsi que le cimetière Saint-Sever est devenu le plus grand cimetière du Commonwealth en France.

Après le départ des américains, les baraquements sont démontés et l’hippodrome est rendu aux activités hippiques en 1946, mais d’importants travaux de remises en état et de modernisation sont nécessaires et ce n’est que le 18 mai 1947 que les courses reprennent.

tribune de l'hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ Course de trot attelé dans les années 80. En arrière-plan, la grande tribune historique de 1888.

Au début des années 90, l’hippodrome devient moins prisé du fait du vieillissement des infrastructures et de la vétusté des tribunes.
Grâce à de gros efforts de rénovation, on constate un sursaut, mais on envisage tout de même la construction d’un nouvel hippodrome dès 1997.

hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ Une vingtaine de terrains de foot et de rugby ont été aménagés après-guerre. Remarquez aussi sur cette photo de 2000 les écuries, dans l’angle inférieur-gauche, et les trois tribunes restantes.

Au début des années 2000, le désintérêt se fait de plus en plus sentir par la profession pour ce terrain dont la pente est désormais un inconvénient et dont l’urbanisation le place maintenant en ville.

La dernière course officielle a lieu en avril 2001.

En 2002, un incendie criminel détruit entièrement la tribune d’honneur, construite en 1888.

Le vieil hippodrome rouennais ferme en 2005, après 140 ans de service, au profit de l’ouverture, au mois d’octobre de la même année, de l’hippodrome tout neuf de Mauquenchy, près de Forges-les-Eaux.

tribunes du champ de courses des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ Les deux dernières tribunes sont démolies en 2007. La tribune d’honneur se situait entre les deux.

Depuis sa fermeture à l’hippisme, l’idée est de transformer le champ de courses en parc urbain. C’est pour cela que, comme des prémices à sa nouvelle fonction, il est resté ouvert aux promeneurs et sportifs, la piste et les terrains restant praticables.

hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ L’hippodrome en 2011

Depuis 2013, élus, habitants et associations se sont mobilisés sous forme de participations publiques pour construire le projet du parc du Champ des Bruyères.

En 2018 commence le chantier de reconversion de l’hippodrome des Bruyères.

écuries de l'hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ Les anciennes écuries ont été démolies en 2018

écuries de l'hippodrome des Bruyères à Sotteville-lès-Rouen

▲ Les écuries vues de l’arrière, donnant sur la rue du Madrillet

Le 23 septembre 2020, ce fut l’ouverture et l’inauguration du « Champ des Bruyères », évènement que nous avions couvert.

Ce Parc naturel urbain du Champ des Bruyères, d’une surface de 28 hectares, qui en fait le plus grand de la Métropole, offre un nouvel aménagement paysager composé de 5000 arbres, une grande pelouse, des aires de jeux, une réserve écologique, un jardin partagé, une ferme pédagogique, un restaurant et une boutique de producteurs locaux.
► Plus d’infos sur le Champ des Bruyères

plan

Pour aller plus loin :

Fascicule Métropole Rouen Normandie « Histoire de l’hippodrome des Bruyères » par Michel Croguennec

Livre « Rouen et le Base Unit 21 » de Jean-François Dray, Agnès Goujon et Stéphane Cursan

5 commentaires

  1. Superbe article !
    Je me souviens, fin des années 50 / début des 60, on allait courir le « Challenge du nombre », un cross pour les gamins des lycées & collèges en ce lieu que l’on appelait tout simplement le « Champ de course »

  2. Très belle rétrospective, comme d’habitude. Dans les années 1960-1970, à l’entrée principale étaient situés sur la gauche les vestiaires, où les équipes sportives de tout bord se retrouvaient le samedi après-midi, ou bien le dimanche matin afin de se confronter dans des matchs épiques. Le recrutement pour compléter les absents des équipes se faisait dans la bonne humeur. Certains joueurs pouvaient jouer contre l’équipe de la semaine passée où ils avaient montré leurs talents !!! Puis, direction la troisième mi-temps

    Des terrains aménagés pour le hockey sur gazon étaient à l’extrémité gauche de ce « Champ de courses », du côté de la rue du Madrillet

  3. Mon père était boucher à Caudebec-les-Elbeuf.

    Tous les mardis, il « descendait » à Rouen, s’approvisionner au marché aux bestiaux de Grammont

    il en revenait vers 13h, avec la remorque qui transportait, un veau, deux moutons;.. selon

    Au cours d’un de ses voyages, dans les années 65/70, un mouton s’est fait la belle en sautant par dessus la ridelle de la remorque, tenté par la belle herbe verte de l’hippodrome !!

    Mais d’autres bouchers suivaient ce même chemin. Mon père en a arrêté un qui a arrêté un autre collègue et les voilà tous partis à courser le mouton sur le champ de courses, bien nommé!

    L’audacieux mouton a quand même fini à l’abattoir…car tel était son destin!

    Cécile Baumgarten- L’Hostis

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