« Le champ » dans le quartier du Toit Familial d’avant-guerre

Découvrons à quoi ressemblait avant la guerre le quartier du Toit Familial grâce aux souvenirs d’enfance de Bernard Blaineau qu’il a eu la gentillesse de rédiger, et bien sûr des photos aériennes pour situer cela :

Je voulais vous faire part de souvenirs de mon enfance passée 43 rue Édison. À cette époque, peu avant la guerre et pendant la guerre, le quartier de la rue du colonel Fabien n’existait pas, il y avait à cet endroit un immense terrain vague que nous appelions « le champ ». Il était situé entre le Toit Familial et la rue Edison prolongée (devenue rue Jean Moulin après la guerre), où il y avait assez peu de maisons.
C’était une prairie ouverte où paissaient parfois des moutons. J’y allais régulièrement cueillir des pissenlits pour nourrir les lapins que mes parents élevaient. La grande attraction était un énorme marronnier, situé non loin des maisons du « Toit Familial », qu’on appelait « l’arbre de cent ans ». Pendant la saison chaude, on y venait en nombre jouer sous la surveillance des mamans qui tricotaient en bavardant. Environ une fois l’an s’installait un cirque avec ses roulottes et ses animaux. Les petits singes étaient bien sûr ce qui nous attirait le plus.
Un autre grand espace de prairies jouxtait le mur de St Yon, en forme de triangle me semble-t-il. Chaque parcelle était enclose de barbelés, mais nous y allions en famille pendant la guerre pour ramasser des champignons, très nombreux comme partout où paissent de troupeaux. Véritable aubaine en ces temps de restrictions alimentaires, ils étaient si abondants que nous en ramenions chacun un grand sac et que nous en mettions à sécher au grenier en les enfilant sur un ficelle.
Vers la fin de la guerre, alors que les attaques aériennes sur la gare de triage et sur les ateliers de Quatre-Mares s’intensifiaient, on n’était pas rassurés du tout et on se couchait par terre, mais l’attaque passée, on continuait notre précieuse récolte.

Sotteville-lès-Rouen quartier toit familial vue aérienne 1946

Sur cette photo de 1946, on voit des maisons le long de la rue Marcel Lechevallier, mais elles ont été construites après la guerre et il est probable qu’à cette date le gros marronnier avait été abattu (quel dommage, un arbre plus que centenaire dans les branches duquel nous aimions à nous élever avec une grande facilité) pour faire la rue du colonel Fabien et construire des maisons.
Au coin de la rue Edison prolongée et de la rue Marcel Lechevallier, il y avait encore à la fin de la guerre une maison en bois qui avait abrité vers 1930 une agence chargée de vendre les terrains et faciliter la construction de maisons. C’est là que mes parents s’étaient adressés pour faire construire leur maison à crédit, grâce à la loi Loucheur, en 1931, l’année de ma naissance. À côté de ce « baraquement » et plus bas dans la rue  Lechevallier il y avait un boucher. Autant que je me souvienne, sa boutique était en bordure du champ.
En descendant la rue Lechevallier, après les rues du Toit Familial, il y avait à droite un square avec des platanes qui fournissaient les enfants en « poil à gratter », et au milieu de ce square, il y avait un kiosque à musique.
En descendant encore, il y avait un ancienne carrière que la municipalité comblait peu à peu avec du remblai et toutes sortes d’ordures ménagères. Comme bien d’autres enfants, je m’y aventurais parfois au milieu des rats qui trouvaient là de quoi se nourrir. Tout cela n’existe plus depuis longtemps, fort heureusement.

Sotteville-lès-Rouen quartier toit familial vue aérienne
En comparant avec cette vue aérienne de 2015, on remarque qu’effectivement la rue du Colonel Fabien longe « le Champ » en son centre et les habitations y ont été construites.
On constate que c’est sur la carrière « comblée avec du remblai et toutes sortes d’ordures ménagères » que le collège Emile Zola a été construit.
On voit aussi que terrain aux champignons ainsi que la grande zone agricole à droite de la photo sont maintenant occupés par la collège Jean Zay et le lotissement des Jardins du Stade.

4 commentaires

  1. La boucherie décrite dans cet article a été transformée en logement il y a deux ans environ, toutefois l’enseigne est toujours visible.sur le mur de la rue Marcel Lechevalier.
    J’ai publier il y a quelque temps deux articles sur le sujet.

  2. Mes grand-parents ont vécu dans ce quartier et ma mère y a passé son enfance dans les années 1930-1940.
    Elle m’a aussi parlé des champs et des champignons. Et des arbres fruitiers qu’il y avait derrière les murs de de St Yon, et qu’en rentrant de l’école parfois les enfants lançaient une blouse roulée en boule à « un fou » nommé Toto par dessis le mur pour qu’il y mette des pommes … et que parfois la blouse ne revenait pas, selon l’humeur du locataire de l’HP, et qu’alors rentrer à la maison sans blouse, ça faisait des histoires.
    Et des courses jusqu’à la boulangerie de la rue Béranger à coté de laquelle il y avait une échoppe de cordonnier qui a disparu pendant les bombardements.
    De l’école Jaurès aussi, et du transfert des écoliers vers l’école Duruy à St Etienne du Rouvray après les bombardements, et de tous ces trajets à pied !

  3. En lisant le témoignage de M.BLAINEAU, son évocation de « l’arbre de cent ans » a réveillé un souvenir : cette référence était encore employée dans les années 1955/1960 par les habitants de ce quartier. J’avais toujours ignoré l’origine de cette appellation.
    Merci à lui

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