Sotteville-lès-Rouen, la guerre fait rage !
Après avoir subi les bombardements pendant des années, les plaies sur la ville sinistrée restaient visibles, les bombes étaient tombées, éparpillées, mais combien destructrices !
Il restait des ruines, maisons effondrées ou disloquées, ruines branlantes, ouvertes à tous les vents, vision cauchemardesque qui me faisait peur, à 9 ans !
Dès 1950, j’avais 16 ans, vint le temps de la reconstruction, l’événement faisait parler : les artisans, les petites entreprises, les architectes, les bureaux d’études, les métreurs, tout un monde qui ne pensait qu’à reconstruire la ville.
Les élus locaux s’investissaient aussi pour défendre les sinistrés rescapés du désastre.
L’influence de cette reconstruction est omniprésente dans la vie des SOTTEVILLAISES et SOTTEVILLAIS.
Je suis pris dans ce tourbillon pour aller vers des métiers du bâtiment ; en 1953 les reconstructions sont visibles, les « grands architectes » comme LODS et ALEXANDRE (dit pompon) réalisent les grands projets : la zone verte, les ISAI (Immeuble Sans Affectation Individuelle), les « GARIBALDI » ou mon école, JEAN JAURÈS.
J’ai eu l’honneur de travailler dans ce grand cabinet situé à ROUEN sur les quais, surtout pour me faire de l’argent de poche un jour ou deux par semaine, le reste du temps à l’école d’architecture de l’aître St MACLOU, « les beaux-arts », sous la direction de Messieurs HERR et GAILLARD, professeurs, pour 6 années, interrompues par le service militaire.
Ce qui m’attirait le plus, c’était la reconstruction des maisons détruites. Je travaillais chez MUSSARD rue Victor Hugo, dans cette petite agence de 4 personnes, le père architecte, le fils en apprentissage, une dactylo et moi-même à la planche pour redessiner les maisons détruites, en effectuant une petite enquête avec les voisins témoins.
Le relevé, sur place, des ruines, de la cave, des photos diverses prises par les voisins survivants permettaient une reconstitution de la bâtisse disparue par ces plans et façades à l’échelle de 1 cm par mètre.
De ces « portraits robots » de maison, sortait un nouveau projet payé par l’état dans le cadre des dommages de guerre.
Les dossiers acheminés vers le MRU (Ministère de la Reconstruction et l’Urbanisme), le « m’ru » comme disaient les Sottevillais, était logé dans un baraquement suédois en bordure du bois de la GARENNE.
J’ai prêté aussi mon concours aux architectes locaux, YVELIN, BLOQUEL, VAUQUELIN, BARON et enfin, DIEMER, architecte expert près des tribunaux ; d’autres architectes travaillaient sur Sotteville : GOSSE, GRUNENWALD.
Chacun des architectes rivalisant de projets innovants, de maisons différentes au goût du jour, souvent sur des petites parcelles de terrain.
Travail passionnant !
Cette reconstruction issue de la charte d’ATHENES, surtout pour l’ensemble de la Zone Verte, mobilisait le monde du « bâtiment » et de l’architecture.
À cette époque, à part le béton armé des immeubles, les matériaux étaient identiques, neufs ou récupérés, l’enduit plâtre intérieur (celui-ci bloquait le chantier plusieurs mois, le temps du séchage). On peut citer aussi l’enduit extérieur chaux et ciment ou projeté par les ravaleurs, parfois un parement de briques pour décorer un peu avec une toiture en tuiles ou ardoises, rarement une couverture à toit plat en asphalte.

▲ Ces dessins, en toute honnêteté, ne me permettent pas
une attribution personnelle des plans établis, il y a 70 ans. La participation à l’époque était un travail d’équipe dans les agences. En toute modestie, j’avais l’impression d’être utile !!! Le métier m’a passionné toute ma vie jusqu’à la retraite.
D’autres réalisations spectaculaires ont été le déplacement des maisons, qui permettait l’élargissement de voies importantes par un travail préparatoire consistant à supporter la maison sur des fers et rails, vers un nouveau sous-sol proche. Belle réussite attirant les élèves architectes et personnalités diverses !
Tous ces espaces vides reconstruits entre les maisons faisaient oublier la peur ressentie des ruines qui m’avaient tourmenté.
Notre maison de ville, située à l’angle de la cité Prével et du boulevard du 14 juillet, avait souffert, le toit déporté, les fenêtres brisées : triste habitation, mais « retapée » par les copains de mon père. Elle avait résisté aux bombes tombées à quelques dizaines de mètres où nous étions souvent dans notre cave utilisée comme abri.
Ce que je retiendrai de cette époque : la tragédie d’une ville détruite en partie, l’enfer du 19 avril 1944, ses 800 morts, suite au bombardement sur la gare de triage, mais aussi d’autres immenses dégâts qui n’avaient pas épargné ROUEN, PETIT et GRAND QUEVILLY, OISSEL, SAINT ETIENNE DU ROUVRAY.
La cérémonie organisée chaque année doit permettre de ne pas oublier cette triste période, toutes les victimes décédées, ses baraquements provisoires en bois pour reloger la population éprouvée, cet espoir de reconstruction longue et difficile.
Gérard Vallée
Magnifique témoignage.
Je me souviens très bien des déplacements de maisons sur rail notamment rue Garibaldi à l’angle de la rue Barbet.
Merci Mr Vallée
bonjour je m appel jean jacques hucher j ai habiter la maison qui a était déplacer u 152 et 152 bis rue Garibaldi et rue Barbet je me souvient très bien en étant enfant mes frère et soeurs ont a vus cette maison déplacer de plusieurs mètres ils avais avant construit une cave puis l avez poser dessus mon père avez mis sur la table de la cuisine un verre rempli d eaux aucune goutte n est tomber sur la table un travail de fou j aurai aimer avoir des photos de cette aventure mais je n ai jamais rien retrouver si une personne a c es photos je suis preneur merci a tous et a toutes bien cordialement
Votre témoignage est fort intéressant! Merci à vous. Vous avez sans doute déjà visité les expos sur la Reconstruction qui ont pris place à Elbeuf à la Fabrique des Savoirs , et au musée de la Corderie à Notre Dame de Bondeville. Ces expos durent jusqu’au début juin, des interventions, animations et conférences etc ont lieu d’autre part autour de ce mouvement passionnant, en ce qu’il a redessiné nos villes martyrisées, introduit des modèles constructifs innovants, apporté des salles de bains et de la lumière aux habitants relogés, faisant la part belle à la qualité d’habiter, au jardin, aux espaces collectifs. J’habite pour ma part une maison type Mussard, maison mitoyenne implantée dans les splendides alignements de la Cité Thuillier, malheureusement peu reconnus. Auriez-vous des informations sur la construction de ces cités, le mode constructif, etc ? Je suis architecte moi-même.
bonjour, j’habite dans le var et je n’étais pas au courant de ces expositions ,pour la cité Thuillier cite remarquable mais je l’ai vue qu’après sa réalisation .
Merci pour ce beau témoignage.Cordialement